Ma maison

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samedi 5 février 2011

Quand rien ne va plus

Samedi soir, j’écris réchauffée sous une couverte de polar, le nez bouchée, la tête qui résonne, les poumons en feu, les muscles endoloris. Je suis malade depuis bientôt deux semaines mais depuis jeudi, impossible d’aller travailler, je n’ai plus de force et ma toux est trop forte. J’espérais me sentir mieux cette semaine mais apparemment les choses doivent s’aggraver avant de se dissiper. Hier j'ai dû me rendre à l'urgence parce que ma fièvre était trop élevée et le médecin m'a diagnostiqué l'Influenza.Voilà probablement le plus gros des inconvénients à travailler avec de jeunes enfants chaque jour ; on essuie des nez, des fesses, des bouches et des mains toute la journée, et malgré mes précautions, on tombe malade. Le truc avec mon emploi, c’est que je suis techniquement enseignante d’anglais langue seconde, mais en réalité, je suis aussi infirmière, arbitre, maman, clown, gardienne, police, concierge et psychologue à la fois. Chaque journée de travail en parait physiquement davantage comme cinq, et chaque vendredi, je rentre à la maison paralysée de fatigue. J’espère m’habituer à ce rythme de vie, et pouvoir apprécier davantage ma vie ici dans les semaines à venir.

En attendant, je suis passée la semaine dernière devant une boutique de souliers en solde, et ma curiosité m’a poussé à entrer me rincer l’œil. Une fois à l’intérieur, j’ai même fait plus, j’ai acheté une paire de bottes à 2,000Yen (l’équivalent de 25$ ) de style TRÈS japonais : résultat ?

Les bottes sont un peu trop petites pour moi, et en toute honnêteté, je pensais que je finirais par m’habituer à me voir porter des choses différentes ou qui me ressemblent moins, mais je me sens toujours aussi ridicule quand je les porte. Je me sens costumée, je me sens comme une drag-queen, impossible ce porter cette foutue paire de bottes sans perdre ma crédibilité. Je les trouve trop tout, trop haute, trop poilue, trop petite, trop quétaine pour m’y sentir confortable. Il est vrai qu’à côté des japonaises de mon âge, je dois passer pour un tom-boy. Mon téléphone cellulaire n’est pas couvert de brillants, mes cheveux ne sont jamais parfaitement coiffés au fer à friser, je ne porte pas de faux-cils, je ne porte de talons hauts et mes bottes sont couvertes de poussière parce que je passe au moins une heure par jour au parc à courir avec les enfants, mes gants sont troués, mes pantalons de travail sont déjà délavés, bref, je n’ai rien d’une demoiselle aux yeux des femmes, et probablement des hommes d’ici. Mais mon allure est le dernier de mes soucis. Je suis tellement différente et je le sais, et je l’accepte et j’aime cette différence. Je ne vis pas comme les japonais, sans jamais lever les yeux de peur de croiser le regard de quelqu’un, mon regard en cherche sans cesse un autre, je suis peut-être moins polie et moins rigoureuse qu’eux dans les protocoles, mais mes efforts sont honnêtes, mes paroles et mes gestes aussi. Je n’ai pas peur de dire ce que je pense, et je n’ai pas peur de lever les yeux quand je marche. Ici il y a une mode en vigueur, il faudrait que je filme une vidéo pour faire comprendre l’intensité du geste, mais je pense que les femmes trouvent cela féminin de se promener les pieds vers l’intérieur. Toutes les femmes n’ont pas les jambes croches, mais elles marchent toutes les pieds courbés vers l’intérieur. J’ai été abasourdie de voir un tel comportement, mais maintenant je comprends. Je comprends qu’il fait partie de toute cette culture de réclusion, de fermeture sur soi. C’est un phénomène très étrange mais les femmes ici croient sans doute que plus elles ont l’air fragiles et menues, plus elles sont attirantes. Aussi étrange que cela puisse me paraitre, je sais que la culture du Japon est encore grandement basée sur la reconnaissance des différentes classes sociales ainsi que la différence entre les sexes, et que différents traitements sont réservés à ces différentes catégories. Même au travail, je le remarque avec mes jeunes étudiants. Les filles sont si calmes, si respectueuses des règles, si polies, alors que les garçons sont agités, font à leur tête, confrontent leurs professeurs.
Je ne suis ici que depuis un plus d’un mois, alors mes observations auront encore bien le temps de dériver et de murir vers des conclusions peut-être moins radicales, mais en date d’aujourd’hui, ce que je croyais connaître et comprendre du Japon me semble bien vrai.

2 commentaires:

  1. C'est toujours difficile de s'intégrer à une nouvelle culture et ça peut prendre du temps. C'est bien que tu restes forte en gardant tes convictions, tes propres valeurs et que tu marches la tête haute même si tu te sens à l'écart. Au fond, il n'y a rien de mal à être différent!
    Je t'admire pour travailler avec les enfants comme tu le fais... quand j'étais au Guatemala, je faisais du bénévolat dans un hôpital et c'était vraiment exigeant. Comme tu dis... on est pas juste professeur, on est maman, nounou, psychologue, clown, etc. Est-ce que tu fais ça à temps plein?
    Ton aventure au Japon semble riche en émotions et c'est ce qui fait qu'elle est unique! :-)
    Je te souhaite que des belles choses Annouk!
    xox
    Eli

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  2. J'adore te lire, car c'est exactement comment je me sens... Et malgré le fait que tu es au Japon depuis seulement un mois, tes observations sont justes, à propos des filles et également de notre allure, en comparaison au jeunes filles japonaises. Je me sens également pas trop demoiselle, surtout en rentrant du travail, mais je me dis que ces jeunes filles nous observent et aimeraient bien être comme nous...

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