Ma maison

Ma maison

mardi 12 avril 2011

Quelque chose a changé

Hier soir, un de mes clients ne s’est pas présenté. Il était 20 heures, j’avais une quarantaine de minutes devant moi, mes cours jusqu’à 22h40 étaient déjà préparés, j’avais donc du temps pour moi. Je suis sortie de mon bureau, j’ai marché quelques pas jusqu’au mur tapissés de fenêtres, je me suis arrêté, j’ai mis les mains dans les poches de mon pantalon, et j’ai regardé. J’ai regardé la ville sous le ciel bleu foncé, du dixième étage du gratte-ciel dans lequel je travaille maintenant. J’ai baissé les yeux pour observer les hommes et femmes d’affaires dans leurs complets identiques, traverser d’un pas rapide l’une des plus importantes intersections de la ville. J’ai regardé les autres gratte-ciels, ou travaillent encore à cette heure beaucoup d’employés. Les bâtisses à cette heure grouillent encore d’agitation, et les lumières jaunes des bureaux décorent chaque immeuble comme des bougies dans un sapin de Noël ; un peu partout, à chaque étage, de haut en bas. Du haut de mon bureau, je peux admirer toute l’action du centre-ville et me sentir complètement protégée de cette hyperactivité constante, du haut de mes dix étages, bercée par une douce musique jazz, sous un éclairage tamisé.
Quelque chose a changé. Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi, mais je ne suis plus la même. Les dernières semaines ont été très difficiles pour moi ; je me sentais prisonnière de cette ville, de ce pays, je ne savais plus quoi faire de mon corps, j’avais besoin de m’envoler. Mais je suis restée. Et comme un serpent, j’ai l’impression d’avoir mué, d’être toujours la même, mais plus tout-à-fait. Et je me sens bien. Je me sens légère. J’apprivoise ce nouveau sentiment sans trop m’y attarder. Comment s’est-t-il posé au fond de moi, si doucement que je ne l’ai même pas entendu cogner? Aujourd’hui, c’est un sentiment d’acceptation qui m’habite. Tout semble familier autour de moi, je cherche parfois un signe, un visage, une parole pour me rappeler que je suis loin, mais je ne suis pas loin, je suis ici, chez moi, je marche dans cette ville, avec aisance. Si je ne m’étais jamais vu dans un miroir, je m’imaginerais semblable aux Japonaises que je croise tous les jours. Je ne suis plus un caméléon, je suis véritablement imprégnée dans cette culture.

Ne pas penser au retour. Je pas penser au choc de retrouver ce qui m’allait si bien sur cet autre continent, et qui m’apportera un profond inconfort lorsque j’essaierai de sauter dans le moule de la personne que je ne suis plus. Ma vie est ici, ma maison, c’est au quatrième étage de ce bloc appartement sombre et gris, près du parc à cerisiers et donnant sur l’autoroute bruyante, et plus loin, sur la grande roue du port d’Osaka. Mes amis, ce sont Tenzin du Bhoutan, Vittorio de Régina, Nelis de l’Afrique du Sud, Liz de l’Angleterre, Allen du Texas, Huy du Vietnam.

Quant on voyage, on veut découvrir. On veut faire des rencontres et voir de belles choses. Mais on oublie souvent qu’un voyage, ça change. Ça change notre perception du monde, notre façon de réagir, parfois même notre façon de penser. Ça nous apprend la tolérance, le courage, la persévérance, l’ouverture. Je pense que profondément, c’est lorsque je me sens confortable à quelque part que je sais qu’il est temps de plier bagages, parce que j’ai tellement à apprendre, parce que je n’ai pas fini de me mettre au défi. Mais pour l’instant, je vogue sur cette harmonie que j’ai enfin trouvé ici, et qui semble là pour rester, enfin pour le moment.



le temps des cerisiers au Japon

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