Ma maison

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samedi 11 décembre 2010

À 19 jours du départ

Ce titre ne rend pas vraiment l'émotion qui m'habite actuellement. Je ne compte pas les jours qui passent et je ne me sens pas comme une athlète à la fin d'un triathlon qui voit finalement la ligné d'arrivée et qui essaie de rassembler ces dernières réserves d'énergie pour traverser enfin la banderole rouge, soupirer, sentir l'excitation quitter chaque parcelle de sa peau pour laisser place à la contemplation de ce qu'elle vient d'accomplir. 
En réalité, je pense peu à l'aventure en soi. Chaque jour, un mélange étrange entre les préparatifs techniques du voyage, l'étude des examens finaux vers lesquels je fonce plus vite que ce que je voudrais et la nervosité de la panoplie de tests médicaux que je dois subir avant mon départ suite aux conséquences de mon dernier passage en Asie m'habite. 
Ce voyage, je m'y prépare mentalement de la même façon que lorsque j'ai quitté le Canada quelques jours après mon retour d'Asie afin d'aller étudier en Angleterre, c'est-à-dire pas du tout. 
D'une certaine façon, je pense que vivre ainsi et aborder certaines expériences de cette manière m'apporte et me surprend beaucoup plus. Le choc vécu lors de mon arrivée sur Khao San Road, Bangkok,en avril 2009 est sans doute le plus grand responsable de ce changement d'attitude. Cette année-là, au cours des moins précédant mon départ, je m'imaginais en robe légère, sur une bicyclette, roulant dans les rues ensoleillées et parfumées de la Thaïlande, une fleur dans les cheveux. La suite était floue. Mais cette image revenait sans cesse à chaque fois que je pensais à mon départ. 
Les premiers souvenirs récoltés de mon périple en Asie représentent une dichotomie totale entre la réalité et le fantasme que j'avais pris plaisir à alimenter. À mon arrivée en Thaïlande, je n'avais pas dormi depuis les trente dernières heures, la sueur couvrait mon corps, celui-ci tentait de s'adapter à la chaleur et l'humidité accablantes de ce nouveau coin du monde, je marchais sur Khao San Road vers quatre heures du matin avec mon sac sur le dos, étourdie, à moitié assoupie, et n'arrivait peine à croire que les gens en train de vomir ou pris hallucinations qui m'entouraient, que cette rue sombre et sale, que ces rats, que la musique techno, que ce mélange bizarre d'odeurs de sueur, de bière chaude et de chanvre,  que ses prostituées seraient les éléments composant mon premier souvenir et ma première expérience de l'Asie. Une fois étendue sur le lit d'un petit hôtel, dans une chambre où cohabitait un empire de fourmis rouges, le visage enfoui dans mes deux mains, je vécu le plus gros reality check de ce voyage. Dès le matin suivant, mon cerveau s'était accordé avec la situation. Cet accord, c'était d'abord d'être Carpe diem. Vivre au jour le jour. C'était difficilement concevable pour quelqu'un comme moi de penser être capable de vivre habité par cet état d'esprit, moi qui vit sur les projets, sur les rêves de demain, moi qui se nourrit d'ambitions et d'aspirations, voilà que j'étais en Chine, dans un train vers une ville inconnue de la campagne chinoise, ou alors au Vietnam, en route vers les rizières. Voilà que je voyageais dans le fin fond du Laos, dans un bateau lent au milieu du Mekong river pendant deux jours complets, ou dans un bus roulant à travers les montagnes brumeuses au beau milieu de la nuit, ne sachant pas ce qui m'attendait à l'arrivée. Et je survivais, je surmontais de mieux en mieux l'angoisse de l'inconnu, j'avançais sans hésitation.J'ai même cessé de consulter mon Lonely Planet, qui constituait ma source de repères lors de mon arrivée dans de nouvelles villes.
Suite à ce voyage, je parti pour l'Angleterre, avec dans la poche de mon manteau une feuille froissée comportant les indications générales pour me rendre jusque là où je resterais pendant quelques mois, à Plymouth, dans le sud du pays, au bord de la mer. Je me laissai porter, bercée par la monotonie du parcours, et m'endormis sans me soucier que mon sommeil me ferait peut-être manquer le passage à mon arrêt. Cette insouciance nouvelle m'excitait et j'y prenais plaisir.
Ce voyage au Japon, je ne peux pas encore en parler. Parce que je ne sais pas. Je m'accorde ce luxe de ne pas savoir, encore une fois. Tout ce que je sais, c'est que le 31 décembre prochain, mes deux pieds se poseront sur le sol d'Osaka, et que je devrai me rendre à l'auberge Toyo, seul endroit où une chambre simple était encore disponible la semaine dernière pour la veille du Nouvel An, à moins de 20 $. L'endroit est réputé pour son manque d'hygiène, ses bed bugs, ses coquerelles et son emplacement douteux, mais avec Khao San Road jamais loin dans ma tête, je ne pourrai que prendre mon courage à deux mains, sourire, et me répéter cette phrase qu'un ami m'a lançé un jour et qui ne m'a plus jamais quitté : what would you do if you weren't scared.

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