Ma maison

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samedi 2 juillet 2011

La premiere boîte

Lundi j'ai fait ma première boite. Je suis allée la chercher au supermarché de mon quartier, la où je me rends toujours en vélo, la où j'achète tout ce dont j'ai besoin. J'adore cette épicerie. J'y trouve une variété impressionnante d'aliments importés, en mai j'ai même trouvé du sirop d'érable du Québec. Toute l'année, je m'y suis rendu pour acheter tofu, légumes japonais pour faire des うどん (soupes de nouilles et légumes japonais), poissons, thé, mais aussi confiture Bonne Mère, beurre d'arachide Skippy (denrée rare à Osaka), Oréo et petits plaisirs gastronomiques du genre. Les premières fois que je m'y suis rendue, j'étais étourdie par la pollution auditive de la place. Devant chaque comptoir de viande, de sushis, de légumes, de repas préfaits, d'alcool, joue à tue tête une musique aiguë électronique pré-enregistrée, sans intermittence du matin au soir . Il faut être extrêmement zen pour s'aventurer dans ce genre d'épicerie.

La boîte, donc. J'ai demandé à un employé d'aller me chercher une boîte en carton qui traînait dans leur garage, inaccessible au public, et il est gentiment revenu quelques minutes plus tard avec quatre nouvelles, propres et grandes boîtes brunes pour moi. Ah, la joie d'être jeune et blonde au Japon.

Il m'a fallu deux fois plus temps qu'à l'habitude pour me rendre jusqu'à la maison en vélo avec toutes ces grosses boîtes dans les bras, j'ai presque roulé sur un chien et foncé dans un petit garçon, mais je me suis rendue au bercail malgré tout.

Une fois à la maison, je les ai déposé au sol et je les ai contemplé. Les fameuses boîtes brunes. Comment les aimer. Toujours associées à un départ, à un déchirement, à la fin de quelque chose. Afin de vivre plus harmonieusement ensemble sous le même toit, il m'a fallu les dissimuler derrière mon frigo. Sauf une, la plus grosse, que j'ai monté. Je l'ai remplie de vêtements d'hiver à toute vitesse et je l'ai scellée aussitôt. Même complètement pleine, on ne peut à peine remarquer de mon garde-robe s'est allégé. Je n'avais pas réalisé à quel point j'avais accumulé ici. Et je redoute le moment j'entamerai la vente de mes meubles, ma maison se dégarnira malgré moi, je devrai laisser à d'autres les choses qui font partie de mon quotidien,de mon chez moi.

Hier, j'attendais le train pour rentrer chez moi vers 23 heures, à la station centrale du centre ville ou je me rends quotidiennement pour travailler, et j'admirais la bâtisse je travaille du quai de la gare. J'ai eu une envie soudaine de me mettre à pleurer en pensant à cette vie si bonne pour moi, que je devrai quitter dans une vingtaine de jours. Je retenais mes larmes avec effort, et puis j'ai pensé aux Japonais. À leur docilité et leur sens de la repartie. Je me suis entendue me dire "fais une Japonaise de toi et ressaisie-toi". Si j'ai appris quelque chose de ce peuple, c'est de faire ce qu'il se doit, et non de me laisser porter par mes sentiments. Trop souvent je me suis retrouvée en mille miettes parce que j'ai laisse mon cœur me guider. Ici, j'ai tellement souvent été témoin du contraire, j'ai fini par me trouver ridicule. Au nom de cette expérience, au nom de mon amour pour ce peuple, j'ai choisi faire l'effort d'être plus forte que ma peine,  d'aller je dois et de ce faire ce que dois. Évidemment, ce genre d'attitude rend les au revoir beaucoup moins romancés, mais me gardent la tête froide.

Après tout, ces boites brunes qui m'attendent au fond de la cuisine ne sont que des morceaux de carton. Et elles ne représentent rien de plus qu'un pas de plus dans une autre direction. Une direction que j'ai choisi. Il faut apprendre à dire au revoir pour avancer. Au fil du temps, j'apprends à vivre avec ce concept.

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